Il y a des jours avec et des jours sans. Dans la vie d'un détective privé on a rarement l'occasion de se faire inviter par un richissime entrepreneur sur son voilier luxueux, alors lorsque l'occasion se présente et que l'on tombe sur le cadavre de son hôte, on se dit qu'on est vraiment dans un jour sans.
C'est ainsi que débute l'aventure de Raoul Dusentier, l'avatar que nous allons incarner tout au long de cette aventure au faux air d'enquête d'Agatha Christie. Après une splendide introduction nous mettant tout de suite dans l'ambiance de la France des années 20 (petite aparthé, je n'ai jamais vu une lettre ouverte mettre autant de temps à tomber par terre), notre héro est appelé par le majordome qui lui informe qu'un drame vient de se passer dans la cabine de Niklos KARABOUDJAN, et effectivement force est de constater que le corps gisant sur le sol est apparemment un peu décédé.
Pas le temps de dire "Rho ben dis donc mais c'est comme qui dirait le ..." BOUM ! Un coup net et précis sur la nuque de notre détective lui fit perdre conscience. Et le jeu débute justement lors de son réveil semi-comateux.
Chassez le naturel, il revient au galop
A peine remis de ses émotions, Raoul n'a bien évidemment qu'une idée en tête : trouver le meurtrier et au passage mettre un taquet à celui qui vient de lui briser une cervicale. Sa fonction de détective privé va être mise à rude épreuve, car comme tout bon Hercule Poirot qui se doit, Raoul va à la recherche d'indices et à la quête d'interrogatoires afin de déceler le vrai du faux, celui qui aurait éventuellement des rancoeurs au point de commettre l'irréparable. 9 suspects sont dans le colimateur, à savoir :
Rebecca KARABOUDJAN : Une note qui apparait dans la notice du jeu nous la décrit comme "la jeune épouse de Niklos KARABOUDJAN (ah ... l'argent l'amour) menant une vie assez tapageuse (...) ne reculant devant rien pour satisfaire ses caprices" ... Tout un programme.
Le Père FABIANI : Ami de la famille KARABOUDJAN entretenant surtout d'excellentes relations avec Niklos.
Tom LOGAN : Notaire ayant pignon sur rue la place de Paris et s'occupant des affaires de la famille KARABOUDJAN.
Rose LOGAN : L'épouse du notaire qui est une vieille ami de la famille.
Julio ESPERANZA : Là, on a affaire au "fils à papa" dans toute sa splendeur, fils d'un richissime industriel, il est passionné de courses automobiles et n'a pas d'autre activité que celle de pilote. Bref quelqu'un qui ne fait pas grand chose de ses journées.
Hector : le majordome de Niklos, que tout le monde décrit comme très dévoué à son maitre.
Daphné KARABOUDJAN : La fille du défunt. Capricieuse et immature, on a l'occasion de le remarquer très vite ...
Suzanne PLUM : Ami du père Fabiani qui a des "soucis de santé", du genre souci porté sur la bouteille ... Se dit être amie avec les KARABOUDJAN mais on apprend qu'elle n'était pas la bienvenue à bord et entretenait des relations exécrables avec Niklos.
Désiré GROSJEAN : Drôle de loustic que celui-là. Après un passage à l'orphelinat, il aurait passé quelques années à la Légion. Il a découvert sa filiation sur la tard avec une riche héritiaire décédée récemment ...
Le colonel Moutarde dans la bibliothèque avec le chandelier !
Il n'y a pas que des interrogatoires à faire passer aux différents protagonistes de l'aventure, il y a aussi des indices à trouver, comme dans toute enquête qui se respecte. Pour ce faire, il faudra visiter le navire de fond en comble, et aller rendre visite aux personnes dans leur cabine ou à certains endroits du bateau. Le jeu nous présente donc un point 'n' clic classique dans sa forme, avec plusieurs écrans fixes à traverser et dans lesquelles vous allez interagir avec le curseur de votre souris.
Sauf que le fond diffère un peu d'un jeu d'aventure classique, ici nous avons un système de jeu on ne peut plus simple : là ou dans les jeux Lucasart on a une liste de verbe afin d'effectuer les actions, ici nous avons plus un HUD du style Les Voyageurs du Temps : La menace ou d'un Beneath a Steel Sky, à savoir un menu contextuel qui apparait lorsque l'on clique sur un objet. Selon le type d'objet, différentes actions seront possibles, celle dont nous auront besoin selon l'environnement dans lequel on se situe. Bon par contre comme pour les Voyageurs du Temps , va falloir des yeux de lynx pour trouver certains indices... Et faire apparaitre le menu ? Clic droit, rien de plus simple, l'écran n'est pas doté d'une interface encombrante, tout est fait pour vous immerger au coeur de l'action, et ça renforce le côté "cinématographique" voulu par les concepteurs.
J'en entends qui râle au fond de la salle : "Ouais mais c'est fatiguant devoir toujours faire la navette entre des interminables écrans, tout ça pour aller rechercher un objet à l'aut' bout du bateau" ... Oui, je suis d'accord. Sauf que là le jeu vous laisse le choix soit de voyager à travers les écrans comme dans tous les autres jeux de ce type, soit d'utiliser la carte du bateau, qui vous permet de vous transporter (téléporter ?) d'un endroit à un autre sans devoir tout vous taper à pied. Et vu le nombre d'aller-retour que vous allez vous coltiner, croyez-moi que cette option est la bienvenue !
Un petit mot sur la technique du jeu qui mélange habillement la 3D façon Alone in the Dark lors des déplacements, avec de splendides décors en 2D, et des scènes dans un magnifique "pixel-art" (fait sous Deluxe Paint !) lors des scènes d'interrogatoires.
"Élémentaire, mon cher Watson"
Par contre, si Raoul Dusentier est détective, nous pas et rare sont les joueurs micros à avoir le flair d'un Sherlock Holmes (moi le premier). Paul Cuisset le sait et à doté son jeu d'un système ingénieux afin de savoir si on avance correctement dans notre enquête : chaque bonne action ou information qu'aura donné un des suspects fera avancer de 10 minutes l'horloge. Et ce mécanisme de jeu qui parait simple au départ donne totalement vie au soft : selon l'heure, les personnages changeront de lieu (ou apparaitront) ainsi que certaines actions deviennent possibles ! Attention toutefois, votre aventure n'est pas sans danger, et il se peut que certain choix vous amène vers une fin inéluctable ... Pensez à sauvegarder souvent votre partie !
Une fois l'horloge arrivée à l'heure fatidique, vous n'aurez plus le choix, il faudra sortir votre plus belle pipe en écume de mer , tirer deux-trois bouffées de façon négligeante en balayant d'un regard narquois l'assemblée et - ENFIN - désigner d'un doigt accusateur le coupable, celui responsable de la mort de Niklos KARABOUDJAN.
Une histoire palpitante, un système de jeu intuitif, des personnages iconoclastes, une superbe réalisation ... On n'en demandait pas tant, Paul Cuisset nous fournit là encore un chef d'oeuvre sur Amiga , et a créé avec toute son équipe l'un des meilleurs, si ce n'est le meilleur jeu d'enquête sur micro informatique !
intérêt
92 %